D'autres chants, autrefois
Petite enfant, j'étais triste
mon père hochait la tête en me regardant:
"ça ne sert à rien d'être triste!
ça rend bonne à rien!"
C'était la guerre
les attentats, les plastiquages
les menaces, les enlèvements,
comme un vieux manteau
la tristesse me collait à la peau
mais on me répétait:
"ça ne sert à rien d'être triste!
ça te rend bonne à rien!"
Collégienne, la tristesse pour unique compagne
malheureuse là où j'étais placée
loin de mes parents, de ma soeur
les profs me critiquaient:
"ça ne sert à rien d'être triste!
tu n'es bonne à rien!"
Où que j'aille injustice, violence sévissaient
mais je n'observais pas leurs lois
hantée par la tristesse
ce chant funèbre m'accompagnait:
"ça ne sert à rien d'être triste!
n'es-tu donc qu'une bonne à rien?"
J'ai fini par trouver un homme
pour partager ma vie
lui, n'était pas triste
il me serinait:
"ça sert à rien d'être triste!
je n'ai pas besoin d'une bonne à rien!"
Mais je suis restée avec lui
il m'a donné une jolie petite fille
et des raisons d'espérer
auprès de mes petits-enfants
c'est à présent moi qui radote:
"ça ne sert à rien d'être triste!
ça rend bon à rien!"
KNTHMH, en repensant à d'autres chants (ceux de JOSÉ AGUSTÍN GOYTISOLO)
24 janvier 2013; 0h 42
in: D'autres chants, autrefois