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Extramadura
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19 mai 2010

Le "roman" de Tag et de Djam

Tag Et Djam
par Taggelit


   Un oiseau survola Alger avant de venir tournoyer au-dessus de la tête de Djam. Celui-ci se mit à chanter doucement, puis joyeusement, à gorge déployée, il cessa brusquement de peur d'être ridicule. Il leva la tête, les nuages semblaient menaçants, les orages sont parfois dévastateurs, il préféra rentrer.

Il longea les quais, remonta les escaliers quatre à quatre, enfila la petite rue remplie d'odeurs restaurantes, se demanda si sa jeune épouse avait préparé le couscous, il lui semblait déjà en sentir les grains succulents dans son palais

   Il sortit ses clefs, fit tourner le verrou, et entra.
   - Taggelit, tu es là? Appela-t-il.
   Un bruit de pas précipités se fit entendre. Elle apparut dans le couloir, dans son superbe déshabillé bleu lavande, il eut envie d'elle, de la prendre brusquement là, entre la porte du vestibule et celle de la cuisine, mais il en chassa rapidement l'idée, ce n'était pas le moment adéquat.
   - Donne ton burnous, dit-elle, je vais te débarrasser.
   - Tu es si séraphique, répondit simplement Djam, et si attirante ajouta-t-il en roulant bizarrement ses yeux noisette dans leurs orbites.
   - Tu viens grand clown? Fit gaiement Taggelit.
   Arrivé au salon, Djam s'assit dans le profond sofa et s'étira pour chasser toute la fatigue et les nombreux soucis de la journée. Taggelit vint se blottir contre lui.
   - Alors, que me racontes-tu?
   - Euh... rien, rien de bien spécial, je t'aime, j'ai beaucoup et longtemps marché, as-tu préparé le repas?
   Djam semblait ailleurs. Son épouse s'en aperçut et lui demanda si tout allait bien.
   - Oui, je vais bien! En fait...
   - En fait?
   - En fait, j'ai simplement envie de t'embrasser.
   Taggelit eut un sursaut.
   - c'est tout?
   - Oui...
   Un silence s'ensuivit. Djam comprit qu'il n'était pas allé assez loin.
   - Excuse-moi, Taggelit, je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça.
   - Tu ne le sais pas?
   - Euh... à vrai dire, euh... enfin, je voulais dire que...
   - Tu as des ennuis sérieux, c'est ça? Le coupa Taggelit.
   Il hésita.
   - J'espère que non. J'ai sûrement dit ceci sans réfléchir. Je suis désolé.
   - Djam...
   - Je suis désolé, oublie-ça.
   - Djam, embrasse-moi...
   Taggelit tendait bravement ses lèvres vers son mari.  Après un moment de réflexion contrite, il approcha ses lèvres de celles de Taggelit. Puis, dans le vacarme impitoyable montant de la rue populeuse, dans cet appartement de quatrième étage sans ascenseur, dont les murs étaient imprégnés d'odeurs rances, en cette fin de soirée comme tant d'autres, ils s'embrassèrent passionnément comme la première fois.
   Alors Djam approcha sa bouche de l'oreille de sa bien-aimée et chuchota quelque chose d'imperceptible. Une larme coula sur la joue de Taggelit.
   - Moi aussi, je t'aime, dit-elle.   
   - Voilà déjà deux semaines que nous sommes mariés, et bien que j'aie eu d'autres aventures avant de te connaître, je t'aime cent fois plus que toutes les autres femmes réunies.
   - Il en est de même pour moi, mon chéri, déclara Taggelit. Personne ne pourrait remplacer ton si galant sourire. Tu es unique à mes yeux. Personne n'a ta démarche, Personne n'a tes cheveux. Personne n'imite aussi bien que toi le cri du sanglier en rut. Personne ne connait l'histoire de la Petite Sirène aussi bien que toi. Personne à part toi ne m'a jamais dit que j'étais adorablement potelée. Bref, personne ne mérite comme toi d'être dans mon coeur.
   - Embrassons-nous encore... souffla Djam, éparpillant ses mains le long du corps voluptueux de son aimée.

   - Tu sais, c'est drôle, dit Taggelit pour l'éprouver, car hier matin encore, un homme a tenté de me séduire.
   - Non, c'est vrai? Où est-il que je le tue?
Djam sentait une colère assassine l'envahir!
   - Attends! répliqua lestement sa femme, comme je lui disais que c'était toi, l'amour de ma vie, il m'a répondu que je perdais mon temps et que je serais bien plus heureuse avec lui.
   - Mais qui est ce mufle qui tente de gâcher ma vie privée?

Djam se demandait en fait qui pouvait bien être en fait cette adorable Poussinette qu'il tenait dans ses bras musclés, comment, elle connaissait d'autres hommes? Qui? Où?
Taggelit décida de mettre fin au supplice de son mari:
   - Heureusement je lui ai cloué le bec avec ceci: ''Le jour où tu seras un tant soit peu civilisé, tu apprendras que mon Djam est plus tendre et galant que n'importe qui. Tu n'as aucune chance avec moi et n'en aura jamais aucune.''
   - Si nous n'étions pas déjà mariés, je voudrais de nouveau t'épouser, dit Djam en l'enlaçant très vigoureusement.

Elle triomphait, après le couscous il y aurait de plus belles envolées!

   Ils s'embrassèrent avec fougue, réconciliés. Montant de la rue, on entendait ''Avava Inouva'' d'Idir. Pourquoi cette si prégnante mélodie avait-elle remplacé les clameurs et les bruits de vaisselle?
Bientôt, la subtile musique, les ardeurs de l'amour, les entraînèrent dans un tourbillon sans fin. Il n'y avait plus de plafond, plus de mur. Alger était loin. Ils virent passer un pin sylvestre, au dessous d'eux. Puis toute une forêt. Maintenant, ils étaient sur la Méditerranée. Ils frissonnèrent... était-ce le vent qui s'était levé et qui faisait frémir légèrement leur peau? Quelques nuages voilèrent le ciel. La musique devenait de plus en plus belle, et le ciel de plus en plus gris. On se serait cru dans un tableau de Dali. Des larmes d'émotion dans la voix, Idir chantait, Taggelit roucoulait. Quelques gouttelettes de pluie vinrent alors troubler cet océan de bonheur, tels des pizzicati que le vent sifflant emportait au loin avant de les renvoyer à la figure des amoureux. Mais les gouttes grossissaient, s'écrasant lourdement sur la surface de l'eau. C'était à présent les Walkyries de Wagner, le ciel s'assombrissait. Taggelit, telle une déesse s'élevait parmi les éclairs... la mer s'agitait, les vagues grandissaient, se brisant bientôt contre leurs pieds dans une explosion d'écume crépitante, poussées par des bourrasques assassines... leur baiser dansait sur cet air tourmenté, cet océan symphonique, cet opéra dramatique, les vagues étaient à présent immenses et la pluie striait le ciel plus sombre que la plus noire des suies, c'était si affreusement grand, si terriblement beau, que cela faisait mal, la musique hurlait sa fureur, crescendo, les notes s'enroulaient en tornade, les vagues devenaient rouleaux, les amants tournoyaient, tournoyaient furioso autour de leurs bouches, autour de leurs mains... ils étaient emportés dans un maelstrom sensuel initiatique.

 

   Ils s'embrassèrent ainsi pendant des heures. Des jours. Des années. Si d'aventure vous ne croyez plus à l'amour, sachez qu'en ce moment même ils s'embrassent quelque part.

 

Taggelit brodant sur un thème donné par http://www.unpeudamour.com/roman/leroman.php

 

le 19 mai 2010

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