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Extramadura
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9 février 2010

Intenses souffrances

Un feu dévorait sa poitrine.
Pour rien au monde elle n'aurait crié ou gémi.
Elle ne pouvait bouger sans éprouver d'intenses douleurs costales.
Son nez aspirait la poussière, de son oeil gauche à moitié ouvert elle percevait de faibles changements intermittents dans l'épaisseur noire.
Elle soupçonnait les craquements secs du bois qui éclataient dans un brasier.
Elle captait quelques soupirs, quelques bribes de mots inconnus.

La faim se réveillait, hurlant de l'intérieur de chacun de ses os. La déminéralisation, la soif.
Ses tempes étaient prises dans un étau.
Des éclairs zébraient sa rétine, en dépit de ses paupières closes, envahissaient par ondes progressives toute l'avant-scène de ses yeux, explosaient dans les tempes.
Elle se prenait à regretter la pension, ses draps humides, ses nourritures saumâtres, la vanité des discours creux échangés entre étudiants, les sourdes menaces suintant des discours mielleux de l'autorité hiérarchique suprême de cet établissement à la renommée usurpée, les courriers pressants et désespérés de ses parents, la fausse indigence dans laquelle elle s'était complue les mois précédant cette soudaine échappée déjà réprimée. La mort ne lui faisait pas peur, elle était brave comme toute enfant jeune, téméraire, insolente, bohème, comme l'indiquait son nom.
Echapper à la médiocrité, aux complots sournois pour se retrouver prisonnière, ficelée, impuissante, affamée, brisée, c'était inconvenant, humiliant, minable!

Que lui voulait cet homme, son prédateur? la saigner et la faire rôtir sur un feu de campagne pour tromper sa faim? la vendre à quelque sultan en manque d'esclaves et de catins?
la faire travailler sous les ordres des femmes de sa tribu?

N'avait-il pas intérêt à la maintenir en vie et à soigner ses plaies ou ses fractures? représentait-elle un danger potentiel si grand qu'il lui faille l'abandonner sans soin, sans vivres, sans couverture, ainsi entravée pour prévenir toute tentative de rébellion et d'évasion?

Taheyyâtt sentait sa résistance l'abandonner. Elle aurait presque désiré être achevée d'un bon coup de sabot dans les fontanelles ou appliqué derrière l'occiput tant étaient intenses les souffrances qu'elle endurait sans mot dire, à quelques pas d'un feu rassurant, d'un homme qu'elle s'imaginait mal n'être qu'un ignoble brigand tout droit sorti d'un western série B, brute épaisse insensible à toute beauté, imperméable à toute pitié.

La position était par trop inconfortable, doucement, très lentement et très silencieusement, elle se tourna sur l'un de ses flancs, ramena avec d'immenses précautions ses jambes dans une position quasi foetale. Se berça imperceptiblement.

L'homme l'avait ligotée sans penser à la désarmer, sa course avait été longue et il l'avait jetée comme un fardeau inutile dans un coin, avant de réunir les éléments utiles à son confort nocturne.

Elle userait le cuir toute la nuit si nécessaire contre la dague qui entamait également sa chair. Elle changerait de rêve avant l'aube, c'est elle qui enfourcherait Zeffyr, plantant le misérable bédouin, seul au milieu de nulle part. Fonçant à brides abattues vers l'inconnu.

 

Tahheyyât 5 février 2010; 20:55

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