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Extramadura
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21 février 2006

Cent lendemains...

Etudiante, j'avais eu en charge toute la journée un groupe d'élèves, des 6èmes-5èmes, pour une visite au CAPC.
C'était l'été, il faisait très chaud, j'avais ma petite robe en coton bleue, très légère. Notre groupe a pris le bus pour retourner à la gare, il n'y avait pas encore de trams!
Il était 17 heures, nous avons rempli une bonne moitié du véhicule, je suis restée debout, accrochée à la poignée. A l'arrêt suivant, une floppée d'écoliers et de lycéens a envahi le reste du couloir, un homme s'est arrêté à ma hauteur face à moi, et a saisi la poignée voisine de la mienne. Je n'ai pas eu le temps de voir son visage, nous étions serrés les uns contre les autres, très désagréablement avec cette chaleur.
Aux arrêts suivants, des personnes sont montées, mais personne n'est descendu! C'était à la limite du supportable. J'étais encastrée dans mon voisin, ma tête à hauteur de son épaule, je sentais son eau de toilette: tabac, sa transpiration également. J'aurais pu aussi bien embrasser son cou que le mordre. J'ai senti monter le désir en moi, comme une vague immense et agréable. Sa main a frôlé la mienne, c'était délicieux, nous avons croisé et décroisé nos doigts plusieurs fois. Tranquillement dans cet étouffement et cet anonymat complet.
Je m'imaginais que nous dansions un slow interminable. C'était préférable pour moi, sinon j'aurais étouffé réellement, je n'ai jamais supporté d'être compressée dans une foule. Ni le temps ni l'espace n'existaient plus, seul le contact de nos deux corps moites, et la caresse de sa main provoquant chez moi de petits spasmes presque imperceptibles, mais qu'il perçut cependant, je crois bien.

-

Nous étions proches de la gare. Quelques passagers étant descendus, nous étions moins compressés. Alors il déposa un doux baiser dans mon cou, reprit ma main pour croiser et décroiser nos doigts. Il ne se dirigeait vraissemblablement pas vers la gare puisque bien avant que nous y parvenions, il lacha ma main, se retourna, pour gagner péniblement la sortie. Il y avait tant de personnes encore autour de moi que je ne pus même apercevoir son visage, pas plus qu'il ne put voir le mien.
C'était une rencontre un peu folle, comme moi! et sans lendemain...
A la gare, le bus vomit sa cargaison, je comptais les personnes dont j'étais responsable, toutes étaient bien présentes.
J'étais absorbée par ma responsabilité, je me mis à la tête de ma petite troupe et nous réussîmes à trouver l'autorail, nous étions les premiers, tous assis en seconde classe. Les voyageurs habituels arrivaient les uns après les autres, retour de bureau. Ils échangeaient des nouvelles, les femmes se relayaient aux toilettes pour rafraîchir leur maquillage. Je gardais un oeil attentif et bienveillant sur mon troupeau. J'avais conservé libre la place contigüe à la mienne, je ne voulais pas qu'on puisse dire que j'avais un "chouchou". La micheline était en partance enfin lorsqu'un homme me demanda poliment s'il pouvait s'asseoir à mes côtés. Je cherchais notre billet collectif dans mon sac à main, au cas où le contrôleur débarque rapidement, sans lever la tête j'acquiessais courtoisement.
Il s'assit et ouvrit une revue. Nous roulions, j'étais prise par le manège de deux jeunes qui se chamaillaient depuis un moment. Je comptais intervenir pour éviter que le ton monte tout en attendant le moment propice. La climatisation ne fonctionnait pas. J'ai perçu une odeur vaguement familière. Je me suis retournée vers mon voisin, toujours plongé dans un magazine musical. C'est alors qu'il a souri, baissé légèrement sa revue pour m'observer, il a saisit ma main et s'est mis à jouer avec elle, croiser et décroiser nos doigts, l'air de rien. J'ai rougi, je reconnaissais le parfum de son eau de toilette. Il n'était pas désagréable à regarder, il a sorti un stylo, griffoné quelques caractères sur le bas de sa revue, a déchiré la page, et me l'a tendue. Puis il m'a demandé pardon pour pouvoir se lever et passer. Il est descendu à la première gare de banlieu. Depuis le quai, il m'a adressé un gracieux signe d'adieu. J'étais un peu interloquée. Les garnements s'étaient calmés sans mon intervention. J'ai regardé attentivement la page qu'il m'avait tendue, un article sur les Rolling Stones, et au bas un numéro de téléphone.
Je n'ai jamais téléphoné, mais un soir, à la maison des jeunes, je chantais et jouais de la flûte, accompagnée à la guitare par une amie, Tina. Lorsque je me rendis au bar pour demander mon traditionnel cacolac ce fut lui qui me servit, il me tendit la consommation et me dit: "Vous chantez bien, vous jouez très bien. Je m'appelle Djam" et je lui ai répondu: "Fameux pour une Jazz session!".

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