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13 juillet 2005

Puichor

puichor_puits

                                 Puichor (prononcer Pouichor)

Je tiens cette histoire de ma mère, qui la tenait elle-même de sa grand-mère.

La mère de Puichor était morte peu après l'avoir mise au monde, et son père, ne supportant pas le veuvage, avait succombé aux charmes d'une intrigante surnommée "La vitrega". Ils n'avaient pas tardé à concevoir une petite fille, qui ressemblait, hélas, à sa mère en tous points et que l'on ne tarda pas à surnommer "La lenecha".
Le père se désinteressa alors de Puichor, qui fut considérée comme servante à qui l'on confiait sans vergogne les tâches les plus ingrates, tout en ne lui épargnant pas les quolibets. Elle portait les vieilles robes de sa marâtres et de sa soeur cadette. Tandis que La vitrega et La lenecha se pavanaient devant leurs miroirs, parées de leurs plus beaux atours et bijoux.

Dans cette contrée vivait une sorcière, Zahar*, qui chaque année descendait de la montagne pour réclamer les services d'une jeune fille de bonne naissance. Lorsque ce fut le tour de la maison de Puichor, c'est bien sûr elle, l'aînée qui partit, heureuse d'échapper pour un temps à l'atmosphère sordide de sa maison. Tandis que La vitrega se désolait d'avoir à appointer plusieurs servantes pour la remplacer, et que La lenecha se réjouissait de n'avoir plus de rivale potentielle!

Puichor s'en alla nus-pieds, son couffin sur la tête, dans lequel elle avait roulé son tapis, plié une robe neuve en chanvre, et déposé une gourde de thé et trois kesras (galettes de semoule) qui venaient d'être cuites sur le kanoun juste avant son départ. Elle ne mit pas moins de sept jours pour arriver au repaire troglodyte de Zahar.
Là, elle n'eut guère le loisir de se débarbouiller, de se changer, ou de souffler un peu, sa maîtresse lui mit aussitôt le balai entre les mains et lui indiqua les tâches courantes.
Puichor était vaillante, Zahar s'en aperçut rapidement, mais elle ne lui fit bénéficier d'aucun régime de faveur. Elle aimait l'entendre chanter ses mélopées lorsque, docile, elle s'activait; elle l'épiait lorsqu'elle dansait autour du puits en parlant aux oiseaux; elle baissait les yeux lorsqu'elle priait à genoux sur son tapis, soleil levant.
L'année passa très vite pour Puichor qui aimait silence et solitude, et ne regrettait ni son village ni sa maison. Parfois, évoquait-elle nostalgiquement son père...

Le temps venu, Zahar la remercia:
"Puichor, puisque tu m'as fidèlement servie, puisque tu es à présent une femme, entre dans ma chambre secrête, choisis en reconnaissance ce que tu désires, et retourne parmi les tiens."

Puichor pénétra dans la "caverne", souffle coupé, tant les joyaux étincellaient dans la pénombre! Elle choisit une perle, sans défaut, montée sur une chaine d'or et elle en para son front. Zahar loua son bon goût et sa modestie et lui souhaita excellent retour.

Puichor se rendit au puits, remplit d'eau sa gourde,  et une bassine, se lava, se revêtit de sa nouvelle robe de chanvre, jeta l'ancienne au feu, alla chercher au four trois galettes, roula son tapis et sans se retourner, regagna son village.

A son arrivée, La vitrega et La lenecha poussèrent les hauts cris! Elles se moquèrent de sa naïveté, lui confisquèrent la perle et lui ordonnèrent plus de vingt besognes harassantes. La vitrega fit immédiatement apprêter un équipage pour que La lenecha se rende à son tour auprès de la sorcière, elle lui recommanda de faire un meilleur usage de ses libéralités!

La lenecha atteint le repaire en une journée de cariole, et y monta péniblement toutes ses malles et coffres emplis d'étoffes, de parfums et de collifichets. Lorsque sa patronne lui mit le balai entre les mains, elle refusa toute collaboration. Elle passa ses journées à injurier son impassible maîtresse, et à se prélasser dans ses étoffes moelleuses.

L'année passa très lentement pour Zahar qui ne parvenait pas à déceler la moindre qualité chez son "employée", elle ne la laissa jamais sans surveillance, de sorte qu'avant la fin de l'année La lenecha ne put se rendre dans la chambre aux secrets tant convoités.

Le temps venu, le jeune fille fut remerciée:
"Entre dans ma chambre et choisis ce qui te fait plaisir, puis rentre parmi les tiens" lui dit la sorcière.

La lenecha ne se fit pas prier, elle saisit le plus grand de ses coffres et y entassa pèle-mèle tout ce qui voulait bien y entrer, à regret ferma-t-elle le couvercle, à grande difficulté le traina-t-elle hors de la caverne. Zahar, en riant, la loua pour son appétit vorace et lui souhaita bon retour.
La vitréga, prévoyante, avait dépéché auprès d'elle une cariole qui la ramena  en quelques heures. L'arrivée fut triomphale, le coffre amené dans la chambre de la vitrega, et les deux femmes s'enfermèrent immédiatement pour évaluer et contempler leur trésor.

Quelques heures plus tard, Puichor soudain inquiète du trop grand silence qui régnait dans la maison, et sur le conseil de son vieux père, alla prudemment jeter un oeil par l'une des fenêtres qui donnaient sur la cour intérieure. Ce qu'elle vit l'épouvanta: point de femmes et point de trésor, mais deux énormes serpents repus et somnolents lovés dans le coffre. Elle appela, on scella le coffre et on le retourna en toute hâte vers le repaire troglodyte afin que la sorcière Zahar en dispose convenablement.

Jamais plus l'on entendit parler des deux femmes dans la contrée, Puichor recouvrit la pleine possession et jouissance de sa fortune et de son héritage. Elle ne tarda pas à être remarquée par un charmant jeune homme, dont elle fit les délices en l'épousant. Et leur postérité fut abondante.

*anagramme de Hazar, signifiant : VIE   

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