Allo maman bobo! Le Salut? est dans la relation, la communication!

Comme d'habitude, c'est l'heure où je déglutis mon petit dèj le dimanche, avant de me jeter voracement sur le programme d'accompagnement musical à l'église. Le téléphone! Sans méfiance, je décroche:

-Allo maman!
-Allo Maider, comment va? (pas eu de coup de téléphone depuis la fête des mères en Mai!)
-Pas bien...Je rentre de l'hôpital!
-Comment ça de l'hôpital? (!!!???)
Qu'est-ce qu'il t'est arrivé? (sa voix trainante, pâteuse, essoufflée, etouffée, un peu enfant)
-L'aide-soignante, elle a les clés, elle m'a retrouvée sans connaissance à terre, elle a appelé le samu et j'ai été dirigée sur l'hôpital deT.
Là, c'est plus approprié à mon cas...

(En effet, je connais la réputation de l'hôpital de T., et pourquoi on y est dirigé, et je vois, je comprends, pas besoin de me faire un dessin et de s'étaler sur le "cas")

...Et tu sais, un matin je me suis réveillée la tête toute bandée, et je me souvenais de rien! J'ai passé je sais pas combien de jours et de semaines amnésique, et maintenant ça revient petit à petit! Et je suis rentrée hier à la maison.
-Oui, ma chérie, ça va revenir petit à petit, t'en fais pas, je comprends!
-Je me dis tout le temps: "Je leur téléphone pas et je leur écris pas, mais qu'est-ce qu'il doivent penser?"
-Non, c'est nous, c'est moi, c'est moi qui devrait écrire plus souvent! T'as reçu notre carte postale?
-Non et d'où?
-Espagne, quand on était sur le retour, c'est là qu'on a écrit à tout le monde, après avoir drôlement cherché pour les cartes, cherché encore plus pour les timbres, et encore plus pour une boîte où envoyer les cartes! Dans certains bleds, pas de boutique pour "touristes" donc pas de cartes postales! Et personne n'a encore rien reçu! Plus d'une semaine...
-Tu savais pas que souvent les postiers font la collec de cartes postales?
-Non, me dis pas ça! C'est la dernière fois que nous faisons un  truc pareil, nous avons passé deux heures Djam et moi sur un banc, face à la mer à les écrire toutes ces cartes avec amour! après avoir passé des jours et des heures à finalement en trouver, me dis pas ça! Mais je vais t'écrire une autre carte! oui, une autre, dès que possible! Depuis ici.
-Non, pas la peine, moi, je préfère téléphoner, m'épancher, vous parler, c'est ça qui est mieux pour moi!
-Oui ma chérie, mais ça n'empêche, je vais t'écrire quand même.
-Comme tu veux maman, et vous? Papa ça va? Je lui ai même pas souhaité bonne fête, tu lui diras?
-Oui, ça va, il a repris le travail, ça va.
-Tu lui dis bonjour pour moi?
-Oui, je lui dis!
-Et Ara, et Om?
-Ca va, en pleine saison comme d'habitude, on a pu manger trois fois avec Ara, c'est fantastique, non?
-Tu leur dira que je les embrasse?
-Oui, je leur dirai, dès que je leur maile!
-Et toi, maman?
-Ca va, j'ai passé un très bon été, dehors, j'ai marché, j'ai nagé, j'ai un peu dansé, j'ai fait de la musique, j'ai dessiné, j'ai photographié, j'ai dormi à la "belle étoile", enfin tout quoi, à mon rythme.
-Et là, ça va?
-Hier, on était invité à un anniversaire de mariage, et après l'apéro, je me suis sentie très faible, et je suis allée m'allonger, Djam est resté à côté de moi, puis on a dû passer à table bien sûr, et là, tu sais, quand j'ai voulu me lever du canapé, crise! j'étais paralysée. J'ai pas voulu demander à Djam de m'amener  aussitôt à la maison, j'ai vu que ça peinait les hôtes que je ne partage pas le repas, alors, j'ai demandé deux cannes pour m'appuyer et tout doucement, j'ai rejoint ma chaise à table. Bon, je te passe les détails, j'ai pu avaler quelque nourriture, mais au bout d'un moment, j'ai quand même demandé à être ramenée à la maison. Et je me suis couchée à temps pour éviter pire, là, je tiens debout, et sans cannes anglaises, c'est bien non?
-Oui, c'est bien!
-Au fait, et Caramel? pendant ton hospitalisation?
-Le docteur F. l'a fait envoyer dans un chenil privé, il sait combien j'y tiens! à part l'aide soignante qui vient maintenant tous les jours, sauf le dimanche, c'est mon seul compagnon, mon seul ami, ma seule présence! Il a été bien chouchouté et je le récupère demain.
-Bien, tu vas être contente alors, et lui aussi! ce sera la fête?
-Oui, il me tarde! Tu sais maman, j'ai mal du à respirer... Heureusement, tous ces gens qui s'occupent de moi, qui prient pour moi, oh oui, s'ils ne priaient pas, je serais déjà morte!
-Oui, tu as raison! mais ça va revenir petit à petit, je t'assure!
-Je ne crois pas, non!
-Mais si! Mais ça va être long, mais pense à Caramel, il a besoin de toi, tu es sa petite maman!
-Oui, Caramel!
-Nos amis vont aussi prier pour toi, on leur donnera de tes nouvelles la semaine prochaine, on va tous le faire pour que tu tiennes le coup.
-Merci maman.
Maman, tu sais à onze heures, je regarde la messe à la télé.
-Maider, moi aussi, il faut que j'y aille, lorsque tu as téléphoné, j'allais partir, il faut que j'y aille maintenant.
-Alors j'ai bien fait de te téléphoner à cette heure pour te trouver!
-Oui, tu as bien fait.
-Au revoir maman, embrasse papa pour moi, et Ara et Om.
-Oui Maider, j'y vais là, merci d'avoir appelé, merci, je t'écris.

Elle raccroche, je me jette sur la suite du petit dèj et je raconte à Djam entre deux bouchées de madeleines et deux goulées de lait froid, ce qui est arrivé à Maider. Ses souhaits pour nous, sa sollicitude, ses tristes aventures.

Tant qu'elle n'arrêtra pas de...
Mais peut-elle ARRETER?

Nous l'aimons telle qu'elle est, oui telle qu'elle EST!
Ca n'empêche pas de souhaiter qu'elle aille mieux, qu'elle soit mieux, même si elle ne peut de toute évidence pas...
Luke est mort devant ses propres yeux, à table, alors qu'ils soupaient. Il s'est écroulé, elle n'a rien pu pour lui, rien, et de toutes façons, on ne pouvait plus rien pour lui! Prendre un enfant...Mon dieu!

Mais c'est la vie qui continue, pour elle si dure, si lourde, et pour nous aussi...

Ca n'empêche pas de l'aimer même si elle ne peut pas! Mais des parents souhaitent toujours le meilleur et le progrès pour leurs enfants!
On rejoint l'église.

Une phrase du prètre me traverse: "Aujourd'hui, dire le Salut? Le Salut, c'est être "relié", être en communication avec autrui, c'est ne pas rester replié, refermé en soi-même!"

Maider, à ta façon, aujourd'hui, par ton coup de téléphone, tu m'as dit la même chose, le salut c'est de pouvoir s'épancher, parler, se confier, rester en relation avec nous, avec d'autres, malgré tous, malgré tout!

Et je repense à cette inconnue, vendredi,  au téléphone, avec qui j'ai longuement discuté, cette femme, qui souffre dans son corps, qui souffre de son image détruite, son enfant et son mari sont malades, elle pouvait assurer et tenir le coup jusqu'à ce coup dur pour elle, sur elle! Elle m'a donné son adresse et son numéro de téléphone pour que je la rappelle dans trois semaines: "Il me semble qu'on devrait se rencontrer et parler, vous me dites des choses qui me font du bien, et après tout, je vous trouve formidable avec tout ce que vous vivez d'avoir la "pêche" comme ça! Dommage que vous habitiez si loin, d'un autre côté, vous ne m'aurez pas sur le dos toutes les cinq minutes!" J'ai ri, c'est bien vrai!